Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

samedi 15 mai 2010

Histoire d'OC - II

Ce deuxième épisode nous permet d’approfondir la problématique abordée dans le premier. Détacher la littérature du politique ne signifie pas adhésion molle au réel. Le poète, l’écrivain, sont engagés dans le fait littéraire et ont à y imprimer leur marque. C’est ce type d’implication qui authentifiera leur parcours ou au contraire l’invalidera. À propos de Bernard Manciet (1923-2005) Jean-Pierre Tardif nous parle ici de « radicalité créatrice ». Au travers de son récit, nous pourrons mesurer toute l’originalité de son apport à la revue OC. Il n’est qu’ouverture, décloisonnement, appel de l’universel.


1978-1984 : Bernard Manciet à la barre

A l’automne 1978 , après la publication de deux numéros seulement sur la période qui a suivi immédiatement la mort de Girard (n° 256, hiver 1976 et n° 257, printemps 1977) et un « passage à vide » d’un peu plus d’un an, le premier numéro d’une « nòva tièira » paraît .Et, désormais, on peut considérer que, malgré les changements de format, de siège de la revue, d’adjoints, et les vicissitudes diverses, c’est l’OC que nous connaissons aujourd’hui qui voit le jour, c’est-à-dire une revue que Bernard Manciet va essayer de porter à l’incandescence, en orientant les choix rédactionnels à la fois vers une originalité majeure et une exigence impitoyable pour ce qui est de la qualité des créations retenues. Le traitement des textes, au besoin par les ciseaux et par le feu, est un des aspects de la méthode. Au-delà des anecdotes sans doute trop nombreuses que l’on rapporte à ce propos, la démarche de Manciet se situe du côté d’une radicalité créatrice. Ainsi le mot d’ordre serait-il de ne pas « càder de Mistrau a Tartarin» (ne pas tomber de Mistral à Tartarin). Mais ce qui caractérise sans doute le plus fondamentalement l’apport de Manciet jusqu’au dernier numéro auquel il a participé quelques mois avant sa mort, c’est l’ouverture. Ouverture aux voix les plus différentes, ouverture aux autres pays, aux autres langues, aux autres civilisations. Il écrit de façon significative, en exergue à la thématique du voyage, dans le n°1 de la « Nòva tièira » paru à l’automne 1978 : « L’Occitania apareishó tròp sovent sonque com ua tèrra mairala, mes s’obre dessús duas mars : qu’es alhors (…) Copar l’Occitania deus alhors, qu’es aitant perilhós com la copar de sa vièlha tèrra.» (L’Occitanie est apparue trop souvent comme une terre maternelle, or elle s’ouvre sur deux mers : elle est ailleurs. (…) Couper l’Occitanie des ailleurs est aussi dangereux que de la couper de sa vieille terre.) Et au fur et à mesure des numéros, ces « ailleurs » sont représentés dans OC par une multitude de parcours planétaires mais aussi et surtout par des traductions dont il donne lui-même l’exemple en proposant dès le numéro 2 de cette nouvelle série une version gasconne du poème Andenken, de Hölderlin, qui évoque, il est vrai, « los casaus d’aqueth Bordèu » (les jardins de ce Bordeaux). Les littératures qui trouveront ainsi un écho dans OC seront des plus variées, avec, notamment, une traduction de poèmes hongrois et roumains par Marcel Courtiade dans le numéro 15 de cette même « tièira ». Sans compter la présence récurrente de traductions des littératures anciennes : un extrait des Dialogues de Lucien traduit par Manciet lui-même, un passage de l’Exode par Cubaynes, des poèmes de Catulle par Max Allier, l’Eglogue IX de Virgile par Nelli, etc. Sans oublier non plus des explorations aux limites de la langue, ou des langues, avec Serge Labatut, et les pages d’un Alioa qui font inévitablement penser au lettrisme (cf n° 18 de la « Nòva tièira, de juin 1983). Cette étape de la revue OC, qui commence à l’automne 1978, se termine en mars 1985 avec le numéro double 24-25 sous-titré « De Tolosa a Bahia » dont la richesse du contenu n’a d’égale que le désastre orthographique et typographique dû au passage par l’imprimerie de la municipalité toulousaine. Manciet était rédacteur en chef, Max Rouquette directeur (jusqu’au numéro 20), et Max Allier secrétaire. Nelli resta président juqu’au numéro 18, de juillet 1983, c’est-à-dire bien au-delà de la date de son décès, en 1982… Il fut ensuite remplacé par le Catalan Josep-Maria Castellet. Manciet me proposa de devenir son adjoint à partir du dernier numéro de cette série, en décembre 1984.

Jean-Pierre Tardif

Compléments :

- Bernard Manciet sur le site de Cardabelle


- Max Allier sur le site des éditions Jorn


- Le site officiel de Max Rouquette

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