Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

samedi 28 mai 2011

Maurice Couquiaud, poète de l'étonnement

Laure Dino poursuit avec cette chronique sur Maurice Couquiaud, son chemin de lectrice attentive de la poésie d'aujourd'hui, qu'elle a ouvert dans ce blog.


En réaction contre les poètes qui ont perdu le lien avec l’infini et sont tombés dans le néant, Maurice Couquiaud, nous propose de rêver, -et non de cracher !- sur la tombe des poètes, pour ressusciter la poésie, grâce à l’étonnement. Cet étonnement est multidimensionnel : à la fois poétique, scientifique, philosophique, mais également source et résultat produit.
Nous pouvons citer, en illustration de l’étonnement poétique, Le dormeur du val d’Arthur Rimbaud, -auquel il se réfère dans une émission de radio avec Ilke Angela Maréchal-, où un choc retentit de la dernière phrase du poème, tout au long duquel un homme semble dormir paisiblement, alors qu’ «il a deux trous rouges au côté droit...».Mais l’auteur entretient également un rapport très étroit avec la science pour nourrir ses poèmes, du merveilleux scientifique. Pour renforcer ce lien, il a amorcé un dialogue avec les scientifiques, à travers la revue Phréatique, dont il a été le rédacteur en chef, et découvert des lignes transversales, entre science et poésie : l’incertitude, l’infini, la création du monde...
Au sommet de «la pyramide des étonnements», brille la pointe de l’inconnu, que les scientifiques et les poètes contemplent, sans trouver le nom exact pour la nommer : Infini, Beauté, Absolu ?
Le meilleur exemple, de cette part mystérieuse du monde, est la théorie du «Réel Voilé» de Bernard d’Espagnat, physicien des particules, qui nous montre que la réalité n’est qu’apparences fragmentées d’une réalité insaisissable, qui comprend tous les secrets de l’univers.
Le poète, quant à lui, lit des mots en cendres, à travers le voile de brume, du «réel qui parle en fumée». «Le poème traduit tout en signaux.../de la naissance des braises/au dernier mot des cendres"... les mots fugitifs se ravivent dans les instants provisoires/et vivent comme des sarments/quand on a frotté la pensée contre le sentiment.» (Le Réel parle en fumée. Le dernier mot des cendres. p.14 et p.16).
Le poète mélange tous les synonymes de l’infini, comme un peintre les couleurs, des ficelles de lumière de l’infiniment petit, «J’aimerai tirer sur les cordes invisibles et supposées de l’espace temps pour cueillir les mots épanouis lors d’un passage en d’autres dimensions.» (Le Réel parle en fumée. Les cordes invisibles p.39), à la masse mystérieuse de l’ombre «L’ombre est un continent si vaste/qu’elle demeure toujours vierge/en son cœur inexploré.» (De l’ombre à la nuit. Virginité. p.59).
Quand la lumière s’éteint, la complexité du monde s’allume : l’âme vit dans l’obscurité, la lumière revêt d’autres formes, éclate dans d’autres espaces, que le poète éclaire, les yeux éblouis par le mystère qui projette l’ombre. «L’ombre domine le monde./ Il nous appartient de s’attacher à la force étrange qu’elle nous donne...pour deviner ce qui la projette.» ( De l’ombre à la nuit. Paroles d’ombres. p.56). Et si «les nuits souffrent parfois/comme les jours sans fin...» (De l’ombre à la nuit. Les blessures de la nuit p.58) , la «cécité n’est que provisoire», et la nuit est régénératrice du regard.
Nous serions tentés à notre tour de le questionner, sur sa quête teintée de mysticisme, pour répondre au pourquoi des pourquoi, et découvrir enfin, quel est le mot qui brille au sommet de « la pyramide des étonnements». Mais répondre à la question, n’est-ce-pas, cesser de la poser ? Pour le poète, le principe d’incertitude de la science est la source inépuisable de son émerveillement, et l’incomplétude la nourriture continuelle de son étonnement. Alors, pour faire rimer l’infini, à l’infini, il écrit le mot Amour : qui réunit à ses yeux, toutes les autres qualités : la beauté, l’intelligence et la sincérité.
«La véritable connaissance est peut-être un sentiment...le sentiment d’aimer.» (Par le bout du coeur. Solfège p.87).
Pour Maurice Couquiaud, le rêve, est «une école de la rêverie», -en référence à Gaston Bachelard et sa Poétique de la Rêverie-, dans laquelle le rêveur apprend à libérer «l’anima» subtile du rêve, pour explorer la face poétique secrète de l’univers.
Dans cette démarche positive, l’étonnement de la découverte, n’est que la première étape du processus créatif de l’auteur, qui prend la science «par le bout du cœur», dans «la fusion de l’être et du connaître», pour « faire vibrer le réel», «communiquer le frisson», transmettre l’émotion. «Un matin, je t’apprendrai même/à forger le sens profond de l’insensé/avec la réponse des astres cueillis sur la rosée,.../avec les reflets tombés de tes exclamations/sur les bords d’un poème à composer.» (Par le bout du cœur. Je t’apprendrai. p.104).
Relié à son «imaginal poétique», le poète se suspend dans son inspiration jusqu’à l’illumination. Alors, il peut entendre le «clapotis du monde», et faire résonner son univers intérieur du bruit des mots tombés du cœur, sous sa plume.
«Certains clapotis lointains/se font plus forts qu’une marée/ sur le coeur qu’ils ont enfin touché.» (Le clapotis du monde. Clapotis. p.71).
Au-delà de l’étonnement poétique, Maurice Couquiaud réveille pour nous «l’arc-en-ciel du rire», comme une éclaircie qui survient après l’orage, qui nous montre que l’enfant et l’homme, le poète et le scientifique, peuvent se réconcilier, dans un éternel pourquoi émerveillé.
Laure Dino

Compléments :





1 commentaire:

  1. Merci Laure de nous présenter, avec tant de brio et d'enthousiasme, cette poésie qui parvient à donner une dimension spirituelle aux différentes facettes de notre quotidien. Voilà un auteur que je ne manquerai pas de découvrir aussitôt qu'une occasion s'en présentera.

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