Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

samedi 24 septembre 2011

Poésie au collège

En cette période de rentrée des classes, voici une série de chroniques consacrées à des poèmes écrits par des adolescents. Au mois de mai dernier, j'ai animé un atelier d'écriture au Collège Anne Frank à Paris dans la classe de français de Marie Roche. Cette classe avait pour particularité de n'être composée que d'élèves étrangers arrivés en France depuis peu. J'y ai passé une matinée en m'intégrant dans un projet pédagogique plus important comprenant la réalisation d'un carnet de voyage sous l'égide de la dessinatrice Christelle Guénot ainsi que des cours de tango animés par l'association TangoCité. Fin juin, une petite fête était organisée à la mairie du 10ème arrondissement pour conclure cet ensemble d'actions. Les poèmes et les carnets de voyages y étaient exposés et ce sont les photos de cette exposition qui accompagneront les textes présentés dans ces chroniques. Les élèves, par couple, puis tous ensemble, y ont donné une démonstration de leurs talents de danseur, en prenant soin avant, d'indiquer sur une carte le pays dont ils étaient originaires. Cela se passait devant leurs parents qui avaient pour l'occasion contribué à la constitution d'un copieux buffet en apportant des spécialités reflétant les différentes cuisines du monde. Une autre classe était partie prenante de cette manifestation très réussie et exemplaire en matière d'intégration à la société française, celle de Ouafia Sellam, du Collège Valmy dans laquelle j'étais également intervenu et dont j'aurai l'occasion de reparler. Voici en ouverture les poèmes écrits par Rachel Malamba à partir des consignes données en classe de commencer un texte par Pourquoi puis Je suis et enfin de faire appel à ses cinq sens.


Pourquoi

Pourquoi la jalousie quand nous sommes tous nés de la même façon ?
Pourquoi l’homme cherche t’il à comprendre ce qu’on ne peut pas comprendre, comme la vie après la mort ?
Pourquoi la haine car on a tous la même couleur de sang ?


Je suis

Je suis les armes qui coulent dans tes yeux
Je ne veux pas couler, je sais que tu es triste mais je ne peux pas m’arrêter.
Pourquoi est-ce que je sors, pourquoi je te rends triste ?
Je suis ce que je suis.
Je suis larme.

Je suis le sang dans tes veines
Je suis le jus de vie,
Parfois on me fait sortir quand je ne veux pas.
Je coule dans le corps de toutes les races,
Je ne choisis pas la couleur de la peau.
Je suis ton sang mais pourquoi vous me faites sortir de force ?
Je peux aussi mourir.

Je suis la jalousie.
Je me trouve partout, parfois on m’évite,
Parfois je viens de force.
Je suis mauvaise, je le sais.
Mais pourquoi pas toi ?
Pourquoi elle et pas toi ?
Vous avez le même âge.
Moi, la jalousie, je suis là pour te montrer une vérité
Peut-être ne vas-tu pas me croire mais je suis là.
Tu peux me chasser si tu veux.


Les 5 sens

Je vois une mère qui caresse son fils en pleurs parce qu’il n’a pas mangé depuis la veille.
Que peut-elle faire ?
Elle n’a pas le choix, elle a quitté son pays.
Je vois son fils qui prend la forme d’un squelette.
J’entends son cri, il appelle mes larmes.
J’entends les hommes qui parlent, pour eux c’est très banal.
Je sens la douleur de la mère.
Je sens sa tristesse, dans un autre vie elle aurait préparé son fils pour l’école.
J’ai touché son rêve, de donner quelque chose de bon à son fils.
J’ai goûté ce qu’elle veut pour la vie.
Elle ne cesse pas d’être une mère, même dans la mort.

Rachel Malamba


Compléments :

- Une présentation de mon travail d'atelier d'écriture poétique avec les plus jeunes
- Le site de Christelle Guénot
- Le site de l'association TangoCité

samedi 17 septembre 2011

Le visage de poète de Jacques Basse

Alors que le tome 5 de ses Visages de poésie vient de paraître, Jacques Basse publie un nouveau recueil de poésie qui a pour titre Mots Roses Parfois. Nous ne pouvons que nous émerveiller de la puissance créatrice de l’artiste dont nous assistons au fil des parutions à l'éclosion poétique. Nous connaissions son étonnante aventure des "portraits dédicacés", dont ce blog a déjà rendu compte, nous avions aussi salué ses débuts en poésie, mais c'est un réel bonheur de le voir aller encore plus loin sur le chemin des mots. Je remercie Paul Sanda son éditeur de m'avoir permis de reproduire le texte qu'il a écrit en ouverture de ce joli petit livre.


Après « La Courbe d’un Souffle », son premier coup de Maître, Jacques Basse, poursuivant son aventure poétique, n’en finit pas d’étonner le lecteur. « Mots Roses Parfois », c’est un jardin bien secret qui, lentement, se dévoile, laissant paraître une écriture construite subtilement, de profondeurs en profondeurs. Cette écriture s’affirme dans la prolongation d’une sobriété caractéristique, qui n’est pas sans rappeler le meilleur d’Henry Bataille, à sa grande époque : comparer ainsi dans un ciel mauve / sous un manteau de brume / suspendue aux étoiles / la lune (Jacques Basse) avec oh ! si loin ! seul, écrasé / De toute la souffrance du monde… / Et je regarderais sans penser / Le soleil qui monte, qui monte…(Henry Bataille). Comment par la puissance de la nature, la clarté de son expression figurée, la fragmentation de sa pensée raisonnée, Jacques Basse visant l’impact introspectif, s’inscrit de plus en plus avant dans cette simplicité qui le caractérise ; et quand, dans la modernité, il dépasse le cadre classique de ses thèmes, c’est pour y débusquer de nouveaux sentiments, peut-être plus sombres, mais plus volatils, comme un vague espoir à toujours envolé. Ainsi Jacques Basse a-t-il pu vivre intensément, il a éprouvé, éreinté l’œuvre au noir, su que nous devions passer par sa pesanteur, par la ténèbre et les années de plomb. C’est la poésie qui creuse, qui nous creuse et nous dépasse, et c’est alors que le poète invente le trésor splendide de sa métaphysique, c’est alors qu’il semble trouver ce qu’il cherchait dans tout ce qui est perdu aux yeux du plus grand nombre : cet instant à l’ombre fragile / que le présent ventile / n’est qu’un souffle passager (Jacques Basse). A ce sujet je citerai encore Henry Bataille : Et dans le bruit que fait cette chose en allée, / Qui traîne ses douleurs broyées et ses trophées, / Je comprends, je ressens, jusqu’à mourir en elle, / Tous les chuchotements de la nuit éternelle !… Et de vous proposer ici l’envoi, par Jacques Basse lui-même : tout ce noir et ce silence qui glace / c’est l’enfer qui distend l’espace // un chant d’après / venu d’ailleurs. Ainsi vous pourrez voir à ces lignes que le beau voyage ne s’est pas perdu, qu’il commence dans les peupliers, vise à dépasser l’horizon et, comme le poète le sait à la vigie, qu’il se perd bien au-delà du firmament…

Paul Sanda,
8 juin 2011


- Mots Roses Parfois, Editions Rafaël de Surtis, 7, rue Saint Michel - 81170 Cordes sur Ciel, 56 pages, 10€.

samedi 10 septembre 2011

Poésie dans la cité

Redonner toute sa place à la poésie dans la société contemporaine, est une préoccupation qui revient souvent dans ce blog. Le festival Voix vives de Sète qui a eu lieu en juillet dernier était une manière de faire coïncider la parole des poètes de tout le bassin méditerranéen avec cette saison privilégiée qu'est l'été, pour sortir de son isolement et rejoindre les autres dans une communion de plein air autour de la poésie. Un tel festival nécessite beaucoup de moyens et d'énergie, il se prépare sur une année, et ne peut avoir lieu sans une autorité fédératrice qui sait entraîner toute une équipe dans l'aventure, en l'occurrence ici Maïthé Valles-Bled. D'autres initiatives peuvent aussi contribuer à créer ce maillage sur tout le territoire pour que la poésie soit visible de tous et stimule ainsi des parcours plus intérieurs et plus secrets. J'ai déjà parlé des rencontres organisées par Nicole et Georges Drano, je voudrais aujourd'hui présenter ce qui s'est fait à Morlaix autour de Jean-Albert Guénégan qui a déjà été l'hôte de ce blog.

L'idée vient du poète lui-même, elle est à porter au crédit de l'imagination qui est la seule à pouvoir régénérer notre vie quotidienne, lui permettre d'atteindre une autre dimension. Elle est le chemin entre le réel et le surréel, le passage vers une existence plus riche. Après avoir écrit son recueil Trois espaces de liberté et en attendant sa publication, Jean-Albert Guénégan a contacté un élu de sa ville, en attirant son attention sur ses poèmes qui chantaient le jardin. Le jardin compte pour lui parmi les espaces de liberté. Il a alors offert ses poèmes à la ville en lui suggérant d'en faire bénéficier ses habitants. Un an plus tard, il les voyait présentés, pour tout l'été, sur de grands livres en bois installés à quelques endroits stratégiques : rond-point, kiosque à musique, places, squares et jardin municipal. L'ensemble formant un promenoir poétique, invitation à la lecture et à la rêverie. Les deux photos ci-jointes, la première où l'on peut voir le poète avec en arrière-plan le célèbre viaduc de Morlaix, ainsi que la seconde, complétée du poème qu'elle présente, nous donnent un aperçu de cette heureuse initiative.



Sur le jeune feuillage du bouleau
le ciel vide ses poches.
Alors, je réclame à l'instant
de fondre le temps,
au printemps de glacer
l'incarnat du soir.

Sur les bourgeons du lilas
s'éveillent l'azalée, le poirier.
Je sens, je respire et leur dis des vers
mais mon chant pas assez reconnu
passe sur elle comme la trace
d'une nuit pudique.
Qu'importe feuilles nouvelles,
ma solitude est plus qu'une rumeur,
c'est pour vous que je verse des larmes.

Jean Albert Guénégan
Trois espaces de liberté

samedi 3 septembre 2011

Les soirées littéraires de Pontigny

Le 13 août dernier, j'ai été invité par les Amis de Pontigny à venir parler de Gaston Bachelard, en souvenir de sa participation aux célèbres "Décades de Pontigny" fondées par Paul Desjardins en 1910. J'aurai l'occasion de revenir sur ce temps fort de la vie littéraire et intellectuelle de l'entre-deux-guerres et sur les valeurs d'humanisme et de paix dont il était porteur. Mais pour l'heure, puisque la saison n'est pas terminée, voici le programme de cette année qui contient encore deux rendez-vous en septembre.


L’esprit de Pontigny : évocation des Décades, lectures et conférences
Après la commémoration en 2010 du centenaire de la première "Décade de Pontigny", les Amis de Pontigny proposent, le samedi soir en été, une série de conférences et présentations – illustrées par des photos de Pontigny et ponctuées de lectures – afin de faire partager un peu de l'esprit qui a soufflé sur les Entretiens d'été, organisés par Paul Desjardins et sa femme de 1910 à 1939, dans les bâtiments de l’ancienne abbaye cistercienne.

 6 août – 20h30
Irène Fernandez
Agrégée de philosophie, docteur ès lettres.
"Paul Desjardins et Ramon Fernandez, recherche d'un humanisme"
Évocation des rapports intellectuels de Paul Desjardins et de Ramon Fernandez, à partir d'un souvenir personnel très vif et d'un portrait inédit de Paul Desjardins par Ramon Fernandez.

 13 août – 20h30
Jean-Luc Pouliquen
Poète et critique littéraire, spécialiste de Gaston Bachelard
Les "Décades de Pontigny" dans le parcours philosophique et poétique de Gaston Bachelard
Entre 1929 et 1939, Gaston Bachelard participera à trois reprises aux "Décades". Elles jalonnent dix années particulièrement fécondes de son itinéraire, la séquence où il fait son entrée sur la scène culturelle.

 27 août – 20h30
Pierre Masson
Professeur émérite, Éditeur des œuvres de Gide dans la Pléiade.
"Gide en famille à Pontigny"
Les débuts de Gide à Pontigny furent d'abord prudents, voire méfiants. Mais la période d'après 1918, où Gide se retrouvait entouré de la Petite Dame et de ses amis, fut marquée par des relations plus étroites avec Paul Desjardins, tandis que l'amitié naissait entre Gide et Anne Desjardins.

24 septembre – de 16h30 à 19h
Lorraine Audric
Historienne de l’art, chercheuse associée à l’IMEC sur le fonds Gisèle Freund.
"Gisèle Freund: une photographe à Pontigny"
Jeune étudiante en sociologie et militante engagée, Gisèle Freund est contrainte de fuir l’Allemagne nazie en 1933. Paris devient alors sa terre d’exil, puis son pays d’adoption. Elle trouvera refuge à Pontigny à plusieurs reprises entre 1934 et 1939, où, grâce à son Leica, elle capturera l’atmosphère des Décades tout en faisant le portrait de leurs participants.

Marie-Brunette Spire
Universitaire et traductrice, a récemment publié deux correspondances d'André Spire
"André Spire et Paul Desjardins"
André Spire (1868-1966) s'engagea dans les combats du tournant du siècle - organisations philanthropiques et Universités populaires - et dans les débuts du sionisme politique. Poète très tôt engagé dans une expression poétique novatrice (vers libre et rythme), il participa à la décade de Pontigny intitulée "Du rythme, comme principe de délectation et d’expression dans la technique des divers arts et comme donnée naturelle" en août 1930. Il y rencontra Gaston Bachelard et Martin Buber. Les archives d'André Spire permettront de tenter de reconstituer son séjour.

Entrée : 5€
Les Amis de Pontigny tel : 03 86 47 54 99
Courriel : amis.de.pontigny@wanadoo.fr

Complément :

- le site des Amis de Pontigny