Des hauteurs de la Provence s'envolent pensées et créations d'aujourd'hui

samedi 26 décembre 2015

Les Editions Corps Puce

Terminons l'année avec la présentation d'un éditeur de poésie. C'est par Pierre Garnier que j'ai fait la connaissance des Éditions Corps Puce. Elles avaient publié les trois tomes de son autobiographie poétique Une mort toujours enceinte entre 1994 et 1996. Ces éditions ont été créées en 1988 en Picardie sous forme associative, Pierre Garnier a d'ailleurs participé à leur fondation et en a été le vice-président. Cet ancrage en Picardie est présent bien sûr dans les choix éditoriaux. Les grandes voix d'aujourd'hui de la création poétique en terre picarde se retrouvent dans leurs collections mais elles ne représentent pas tous les auteurs édités. J'ai reçu il y a peu, par l'intermédiaire de Jean Foucault, en service de presse quatre livres des Éditions Corps Puce, en parler va me permettre de faire découvrir leur catalogue et de donner envie, je l'espère, de poursuivre avec lui.


Ce premier livre est signé Jean-Louis Rambour. Il s'agit d'un long poème proposé en version bilingue anglais/français à la mémoire de Théo mort à Verdun à l'âge de 33 ans. "Il fait partie de tous ces morts qui sont nos enfants, sans visage et sans paix. Sauf que depuis le livre de Jean-Louis Rambour, ces millions de morts portent son nom : Théo." écrit Guy Ferdinande à son propos. Le livre avait déjà été publié il y a vingt ans. Sa réédition est une manière d'honorer le centenaire de 14-18.


Ce deuxième livre appartient à la collection "Liberté sur parole". Nous connaissons son auteur puisqu'il s'agit de Philippe Blondeau déjà présenté dans ce blog. Des dessins de Viso Coatmorvan accompagnent chaque texte. Tristan Félix en a écrit la préface qui commence ainsi : "Ci-gisent dix-huit reliefs d'un festin observé à la loupe : liège, pomme, tubercule, agrume, pin, pavot, loupe, ail, orme, pigne, noix, ail en cheveux, vigne vierge, trois oignons, grenade, sureau. Autant d'ingrédients inespérés et indispensables..."


Le troisième livre appartient à la collection "petits arrangements" (une collection qui prend à rebrousse-poil les visions habituelles du monde). Il s'agit d'une anthologie réalisée par Jean-Louis Jacquier-Roux & Claude Vercey. Tous les deux avaient à la fin des années soixante-dix créé avec quelques autres le "Collectif Impulsions".  Ils regroupent ici en un seul volume les textes publiés dans la collection Falsavero dont ils expliquent au début du livre l'histoire et les intentions. Cette collection, la plus confidentielle des publications sur vergé ivoire, se proposait à partir de 2002 de publier des chefs d’œuvres minuscules. Leurs auteurs appartiennent  à des siècles siècles différents, entre le IXe et le XXIe. Les écrits présentés ne dépassent pas les six pages.


Enfin le quatrième livre est un nouvel opus de la collection "Liberté sur parole". C'est un recueil de poèmes en prose signé Sébastien Kwiek et préfacé par Jean-Louis Rambour. A vrai dire le découpage des textes se présente comme des poèmes en vers auxquels s'ajoutent des calligrammes et d'autres mises en page qui s'apparentent au spatialisme si cher à Pierre Ganier. Quant au contenu, Jean-Louis Rambour nous en donne la clef : "En matière d'amour, on sait que tout a été dit depuis des siècles, des millénaires même; l'intérêt de ce recueil c'est que Sébastien Kwiek se propose de dire autrement".

Complément :

samedi 19 décembre 2015

Nouveau recueil de poésie

Voici quelques lignes de présentation de mon dernier recueil de poésie dont l'illustration de couverture a été confiée à Martine Lemoine.


Les poèmes et chansons proposés dans ce recueil rassemblent trois séquences d'écriture différentes.
La première concerne Paris, plus particulièrement la rive droite de la Seine. Elle est un prolongement de mon livre À la Goutte d'Or – Paris XVIIIe.
La deuxième séquence commence par une chanson sur le Pont Neuf. C'est une manière de faire le lien avec la précédente. Mais le franchissement de la Seine m'a conduit bien plus loin que la rive gauche. Il m'a conduit jusqu'au Brésil, plus précisément à Rio de Janeiro. C'est là que j'ai rencontré le compositeur Gaspar Paz et que nous est venue l'idée de faire ensemble des chansons. Dans ce pays qui exacerbe les sentiments et la sensualité, le thème de l'amour s'est imposé à nous.
Après avoir célébré la ville, l'amour, la femme, la nature est venue de nouveau me solliciter comme elle l'avait fait pour mes premiers poèmes. Elle est l'objet de la troisième et dernière séquence.
Parti de la célébration de la ville j'en suis donc revenu au chant premier, à la source que le poète ne doit jamais oublier. Celle qui lui permet de retremper et de laver sans cesse ses mots dans le grand bain originel. 


Complément :
- Le livre sur le site d'Amazon.

samedi 12 décembre 2015

L'Andalousie de Christian Saint-Paul

Nous sommes nombreux à connaître Christian Saint-Paul par son émission Les Poètes qu'il anime depuis 1983 à Toulouse sur Radio Occitania. Le rendez-vous est hebdomadaire et a lieu tous les jeudis de 20h à 21h. Grâce à Internet, il est possible aujourd'hui de l'écouter où que l'on soit dans le monde. Cette activité  généreuse au service de la poésie ne doit pas nous faire oublier que Christian Saint-Paul est lui-même poète et a publié à ce jour plus d'une vingtaine de recueils. Parmi eux a paru en avril dernier à l'enseigne des éditions Encres Vives Indalo qui fait suite à un séjour de l'auteur en Andalousie. Je remercie Cathy Garcia, directrice de la revue Nouveaux Délits, de m'avoir permis de reproduire le compte-rendu de lecture qu'elle en a fait et qui traduit en tous points ce que j'ai moi-même ressenti.


C’est à une très belle flânerie andalouse que nous convie Christian Saint-Paul dans ce 441ème Encres Vives, placé sous le signe de l’indalo, la figure préhistorique qui est devenu le symbole de la ville et de la province d’Almeria, et qu’on pouvait déjà voir peint sur les maisons en guise de protection contre les orages et le mauvais œil. Christian Saint-Paul a le don de nous faire vivre les paysages, les lieux et leur histoire au travers de son regard de poète doublé d’un talent de conteur, et il ne fait pas que raconter ce qu’il a vu, il nous le fait voir, littéralement, c'est-à-dire ressentir aussi.

« La nuit encore/le soleil étouffant/mutile la fermentation du sommeil/Nous vivons désormais/lovés dans ce désert/où la terre n’est que/poussière montant au ciel/ »

Christian Saint-Paul a le regard d’un poète convaincu, tel Machado, de l’absolu nécessité d’être homme, en toute humilité, un homme à qui rien n’échappe, ni la beauté des lieux ni « des îlots d’immeubles/parsemés le long d’avenues/vides – sans utilité-/témoignent de la chute folle de la finance. »

Le poète ne fuit pas le malaise, il l’affronte, le dénonce et ainsi « Nous apprenons à apprivoiser le vide/créé par l’appétence de l’homme. »

Pas d’Andalousie sans l’ombre de Lorca, pas d’Espagne sans le souffle fiévreux d’un Don Quichotte, les eaux fortes de Goya et les « yeux noirs de feu névrotique » d’un Cordobès. Christian Saint-Paul nous emporte à la rencontre de l’âme andalouse, du duende tapi dans ses tréfonds. Une âme trempée « dans le souffre du soleil ». Ombre et lumière, voilà l’Andalousie et « la Bible infinie des étoiles ».

Des pierres, des fantômes et des Vierges tristes, des enfants vifs sous des peaux brunes, de la ferveur et des brasiers lumineux. Des plaies de guerre, le sang des fusillés et des religions qui se côtoient dans de grands jardins, où coulent des fontaines, des forteresses et « les indénombrables châteaux en Espagne ! », des prières et « des rancœurs d’un autre âge qui agitent les cargos aux amarres. »

Indalo est un beau périple, oui, qui ne peut laisser indifférent, car pourrait-il y avoir meilleur guide qu’un poète amoureux de la terre qu’il foule, et dont il sait voir, tous temps confondus, l’endroit et l’envers, le visible et l’invisible, le bonheur comme les larmes ?

                                                                          Cathy Garcia 


Compléments :

- Indalo de Christian Saint-Paul – Encres Vives n°441, avril 2015. Format A4, 16 pages, 6,10 €, à commander à Michel Cosem, Encres Vives, 2 allée des Allobroges 31770 Colomiers.
- Le site de l'émission Les Poètes
- Délit de poésie, le blog de Cathy Garcia.

samedi 5 décembre 2015

Hommage à Pessoa

Le travail théâtral mené par Zygmunt Blazynsky en faveur de la poésie a déjà été présenté dans ce blog. Son prochain récital concernera Fernando Pessoa. C'est l'occasion pour nous de rappeler que la poésie et l'art au Portugal ont déjà été à l'honneur ici. C'est tout d'abord le poète Jame Rocha qui avait été présenté, puis son recueil Zone de chasse que j'ai traduit en français. Ce fut ensuite à Maria do Sameiro Barroso de nous accompagner avec ses poèmes. Enfin tout le mois d'Octobre 2014 fut consacré au grand sculpteur Martins Correia. C'est aujourd'hui le plus connu des poètes portugais de la modernité qui est à l'honneur. Mais l'initiative de Zygmunt Blazynsky propose en même temps une réflexion sur les chemins qui mènent à la véritable renommée, celle qui n'est pas voulue, qui vient avec le temps et qui repose avant tout sur l’œuvre.


Fernando PESSOA
(13 juin 1888 – 20 novembre 1935)

« Je ne suis personne» 
Quel roman que cette vie où il ne se passe rien ! Pendant 30 ans, de son adolescence à sa mort, Pessoa ne quitte pas sa ville de Lisbonne, où il mène l’existence obscure d’un employé de bureau. Mais le 8 mars 1914 le poète de vingt-cinq ans, introverti, idéaliste, anxieux, voit surgir en lui son double antithétique, le maître « païen » Alberto Caeiro, suivi de deux disciples : Ricardo Reis, stoïcien épicurien, et Alvaro de Campos, qui se dit « sensationniste ». Un modeste gratte-papier, Bernardo Soarès, dans une prose somptueuse, tient le journal de son « intranquillité », tandis que Fernando Pessoa lui-même, utilisant le portugais où l’anglais, explore toutes sortes d’autres voies, de l’érotisme à l’ésotérisme, du lyrisme critique au nationalisme mystique.
Imaginons qu’à la même époque Valéry, Claudel, Cocteau, Gide et Apollinaire aient été un seul et même auteur, caché sous des « masques » différents : on aura une idée du mystère de cette aventure mentale dont il n’y a pas d’autre exemple dans la littérature.
Pessoa, incompris de son vivant, entassait ses manuscrits dans une malle où l’on n’a pas cessé de puiser, depuis sa mort en 1935, les fragments d’une œuvre informe, inachevée, mais d’une incomparable beauté. Enfin reconnu dans son pays et, de plus en plus, dans le monde, il repose aujourd’hui au monastère de Jeronimos près des tombeaux des deux autres héros de l’histoire portugaise, Camoes et Vasco de Gama.

Au souvenir de qui je fus, je vois un autre,
Et le passé n’est le présent qu’en la mémoire.
Qui je fus est un inconnu que j’aime,
Et qui plus est, en rêve seulement.
De nostalgie blessée mon âme se languit
Non pas de moi-même, ou du passé que je vois,
Mais de celui que j’habite
Derrière mes yeux aveugles.
Rien hormis l’instant, ne sait rien de moi.
Même mon souvenir n’est rien, et je sens bien
Que celui que je suis et ceux-là que je fus
 Sont rêves différents.

*
 
Récital à L’ENTREPÔT le 8 décembre 2015 à 19h15
7/9 rue Francis Présencé – 75014 PARIS – M° PERNETY
Réservation : 01.42.23.48.94